SUPPORTS/SURFACES chez EVA VAUTIER
André-Pierre Arnal, Vincent Bioulès, Louis Cane, Marc Devade, Daniel Dezeuze, Noël Dolla, Toni Grand, Bernard Pagès, Jean-Pierre Pincemin, Patrick Saytour, André Valensi, Claude Viallat.
Vue de l’exposition © photo François Fernandez
Né dans la grande période de remises en questions radicales (politiques, philosophiques, existentielles) de la fin des années 60, le mouvement Supports/Surfaces, en référence de la philosophie déconstructiviste de Derrida, s’est attaqué à la déconstruction du tableau en ses différentes composantes : châssis, toile, peinture, clous.
L’espace occupé par l’œuvre ne se referme plus sur elle pour la maintenir comme objet, spécifique et surdéterminé, mais au contraire se dilate autour d’elle, englobant aussi bien les œuvres d’autres artistes présentées à proximité.
Maurice Fréchuret, Les années 70 : l’art en cause
Contestant tous les codes, le groupe propose des pistes de réflexion et de travail à partir de chaque élément.
À chacun son approche particulière :
Bioulès, inventeur du nom Supports/surfaces, interroge la peinture, sa fonction, en considérant les toiles comme des fenêtres à travers lesquelles il se propose d’explorer le monde.
Claude Viallat, un des précurseurs et principal théoricien du groupe, s’est intéressé à la touche de peinture à qui il a prêté une forme simple (vaguement celle d’un haricot) qu’il répète plusieurs fois sur un même support de toile en jouant sur l’infinité des rapports couleurs.
Claude Viallat, Sans titre, 1970, corde, noeux et pigments naturels, 18m 10
En 1970, il résumait les travaux de ses collègues : « Dezeuze peignait des châssis sans toile, moi je peignais des toiles sans châssis et Saytour l’image du châssis sur la toile.
Daniel Dezeuze, Sans titre, 1970, technique mixte, 23 x 400 cm
© photo François Fernandez
Avec des objets modestes (gants de toilette, chiffons trempés, tarlatane, etc.), Dolla réinvestit la peinture. Ses constructions impliquant des tissus trempés dans des bains de couleurs présentent des compositions riches et complexes.
Noël Dolla, Sans titre, 1967, technique mixte, 116 x 80 cm
© photo François Fernandez
Pagès utilise aussi des matériaux très communs : branches de bois, briques, parpaings, madriers qu’il assemble avec du mortier ou du ciment qui, détournés de leur usage, créent des structures inattendues.
Bernard Pagès, Le tas de paille, 1969, IPN 100 mm et paille en vrac, 80 x 180 x 180 cm
© photo François Fernandez
Louis Cane explorant le “tableau” en tant qu’articulation cadre/champ colorées, crée des toiles libres, découpées, pliées, agrafées, vaporisées, etc.
Toni Grand explore toutes les possibilités d’intervention sur le bois : débiter, équarrir, couper, fendre, etc., pour créer des formes qui tendent difficilement à une géométrisation.
Devade travaille avec des traits verticaux et horizontaux tracés à la règle qui fibrent les couleurs. Le dessin créé un vide où s’illuminent les couleurs.
Jean-Pierre Pincemin mène une réflexion sur la couleur et l’organisation de la surface colorée en damiers et bandes en expérimentant toutes sortes d’opérations et de gestes sur la toile : empreintes, teintures, collages, pliages, découpages, etc.
André-Pierre Arnal plie et cloisonne ses toiles en explorant une grande variété de supports – de la toile de coton aux cartes routières, ainsi que toutes sortes de techniques : monotypes, empreintes, fripages, froissages, pliages, teintures, etc.
André Valensi, en libérant la toile de son châssis, superpose différentes procédures de réalisation de la toile.
Vue de l’exposition © photo François Fernandez
Depuis la naissance du mouvement Supports/Surfaces, l’espace normé du tableau, passage obligé des trois dimensions à deux, n’a plus le même sens. Nous avons appris à voir autrement. N’est-ce pas là le rôle de toute rupture dans l’histoire de l’art ?
Exposition organisée dans le cadre de la Carte Blanche à Ben
jusqu’au 13 août 2016.